L’influence de l’Afrique dans la musique d’Amérique du Sud

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Par: Carlos Olivera. Photos: Alain Pelletier

Semaine de la mémoire ®AlainPelletier

Projet interculturel conçu par KLAC et réalisé par Cumbelé, avec une subvention de la Mairie de Bordeaux dans le cadre de la « Semaine de la mémoire 2018»

On pourrait se demander quel est l’intérêt de faire un projet de diffusion de l’influence de l’Afrique dans la musique d’Amérique du Sud en France. Ou encore, pourquoi la Mairie de Bordeaux pourrait-elle s’intéresser et donner une subvention pour la création de ce projet ?

Pour moi la réponse était simple. Quand nous avons imaginé ce concert raconté nous sommes partis de l’idée que la musique est un reflet de la société et que la compréhension du métissage des musiques peut aussi nous aider à comprendre les sociétés, nos sociétés. Nous avons aussi pensé qu’on a tous envie d’en savoir plus sur des cultures différentes et que l’Amérique du Sud fait partie des lieux auxquels les Français portent un intérêt spécial. Mais on doit reconnaître qu’il y a aussi un geste de revendication dans ce projet, car même si les Latino-américains et leurs musiques sont toujours présents en France, terre d’accueil des exilés de la dictature du Chili, des exilés du conflit armé en Colombie, de la crise de l’Argentine dans les années 1990, ces mêmes Latino-américains sont en général peu visibles comme communauté créative en dehors des clichés qui nous montrent comme des danseurs de salsa ou des bergers de lamas. C’est là que ce projet veut vraiment agir et rendre évidente cette énorme créativité des peuples d’une Amérique culturellement riche et plurielle.

Si on revient à la musique, elle a toujours été un élément important dans les sociétés d’Amérique du Sud et elle est bien présente en France : tango, cumbia, samba, bossa nova, etc. ; mais aussi dernièrement la chicha et d’autres musiques issues des métissages entre différents peuples qui se sont rencontrés dans le nouveau monde : européens, amérindiens, africains, mais aussi chinois et japonais qui ont largement influencé le continent depuis la fin du XIXème siècle. Mais que sait-on vraiment de la musique d’Amérique du Sud en dehors des clichés de l’homme avec la flûte de pan ? Comment se sont mélangés les différentes traditions musicales dans ce carrefour de cultures et quel en a été le résultat ?

Cumbelé Présentation au Village de la mémoire

Présentation au Village de la mémoire, mai 2018. Photo : Alain Pelletier

L’influence de l’Afrique dans la musique d’Amérique du Sud est très peu connue en Europe. Néanmoins, cette influence a été essentielle pour la construction des identités nationales et elle est ancrée dans le patrimoine immatériel de la plupart des pays. Les musiques comme la Saya en Bolivie, le Candombe en Uruguay, le Festejo et le Landó au Pérou, la Cueca au Chili et la Samba au Brésil sont peut-être des noms qui parlent peu aux français mais ce sont tous des rythmes afro-américains très importants dans la culture populaire. Ce sont des formes musicales vivantes qui sont exécutées lors des festivités comme le carnaval, les fêtes nationales, etc. Cependant, l’apport des peuples afro-descendants a été longtemps rendu invisible par les élites blanches pour des raisons politiques et raciales.

Mais depuis les années 1960 cet apport a commencé à être mis en valeur dans ces différents pays. Des anecdotes intéressantes sont nées de cette revalorisation. Peu de personnes savent par exemple que le « cajón », instrument de percussion actuellement très connu de par son utilisation dans le flamenco est, à l’origine, un instrument afro-péruvien importé en Espagne par Paco de Lucía à la fin des années 1960 après une visite au Pérou. Le même Paco de Lucia explique dans le film documentaire « Paco de Lucía, légende du Flamenco » (par ailleurs, un excellent film réalisé par le fils de Paco de Lucía, vivement recommandé), qu’il était à Lima pour un concert et, invité à la maison de l’ambassadeur d’Espagne au Pérou, il a entendu le grand cajonero péruvien Caitro Soto jouer le cajón. Immédiatement, il a su que c’était le son qu’il cherchait depuis un moment pour la percussion du flamenco. Il a acheté un cajón et l’a ramené en Espagne et le son du flamenco en a été transformé pour toujours.

Présentation au Village de la Mémoire

Présentation au Village de la Mémoire avec Cesar Octavio Santa Cruz. Photo: Alain Pelletier

Ce projet cherche donc, à travers un mélange d’histoire et de chansons, à sauvegarder la mémoire et diffuser ces traditions vivantes. Lors de la présentation du concert raconté les musiciens expliquent au public l’histoire du commerce d’esclaves entre l’Afrique et l’Amérique du Sud, et comment ce commerce a aussi donné comme résultat l’importation d’une culture et la création de nouveaux instruments (le cajón au Pérou et à Cuba), la réinterprétation des instruments (le berimbau au brésil et les tambours batá aux Caraïbes), de nouveaux rythmes, et un riche métissage culturel. Ce projet ne cherche pas l’exhaustivité, mais il cherche à créer de la curiosité chez le public et que celui-ci rentre chez lui avec l’envie de chercher plus d’information sur ces formes musicales.

Éveiller cette curiosité, dans le moment qu’on vit et dans notre société actuelle nous semble être un objectif principal et l’une des plus grandes motivations de notre activité.

On veut remercier à l’association Du soleil dans les pieds et spécialement à Soraya Benac qui nous a aidé à rendre possible ce projet, et à la Mairie de Bordeaux pour son support. On voudrait aussi remercier à Miliça Djeric et Cesar Octavio Santa Cruz qui nous ont aidé à produire ce projet.

Le projet à déjà été présenté dans le Village de la Mémoire de l’association l’A Cosmopolitaine en mai (dans le cadre de la Semaine de la mémoire) et à l’Instituto Cervantes de Bordeaux grâce à l’invitation du « Centro Chispa » (Ameriber, Université Bordeaux Montaigne) en juin.

La prochaine date de présentation du projet sera le 5 juillet à 19h à la Librairie des Chartrons

infographie

Infographie produite pour ce projet par KLAC

 

Cumbelé : 

Cumbelé est né de la rencontre de deux musiciens, un Français et un Latino-américain à Bordeaux. Fabien You, guitariste français, et Carlos Olivera, harmoniciste et chanteur péruvien, sont deux musiciens qui partagent l’amour des chansons aux rythmes et couleurs divers : de l’Amérique-latine, avec la bossa nova et les rythmes latinos, à l’Amérique du nord avec le swing, en passant par la musique manouche. 

Cumbelé nous propose un voyage musical aux sonorités minimalistes mais joyeuses, porté par le rythme de la guitare et la mélodie de l’harmonica, et nous amenant à la croisée du blues, du jazz et de la bossa nova. Un voyage en chansons et en rythmes, bordé de vie, d’espoir et d’amour.

Facebook : https://www.facebook.com/cumbelebossaswing/


1 Comment

Laura B. · 8 July 2018 at 22 h 19 min

Très bon article, parfait pour lancer des pistes de réflexion sur ce sujet.
J’espère avoir l’occasion de vous voir à Bordeaux un de ces jours !
Bravo et bonne continuation dans ce projet 🙂

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