La peau étanche : Le langage pour résister
Le 17 janvier 2024 au théâtre l’Inox de Bordeaux, l’écrivaine et réalisatrice Véronique Kanor et Carlos Olivera, éditeur et musicien, ont proposé un spectacle bilingue après leur résidence au Pérou en novembre dernier, dans le cadre du projet de KLAC “Les rives embrassées“. Anne Maurellet, écrivaine aussi, était là et nous raconte sur le vif le spectacle.
« Comment commence ton monde quand tu te lèves le matin » interroge Véronique Kanor. Par l’information radiophonique, le discours qui mêlent faits divers, drames, tragédies et légèreté.
L’écrivaine appelle en regard de belles définitions de l’enfance, l’espoir absolu qui laisse une chance à l’avenir même si les trajectoires amènent parfois à la barbarie. L’enfance, c’est le jeu, c’est la joie. Comme le symbole de l’infini, les mots de la langue péruvienne renvoient à la langue française : une seule voix pour dénoncer l’horreur, pour réclamer la responsabilité, la revendiquer, et un air d’harmonica joué par Carlos Olivera pour figurer la douleur, la souffrance quand il n’entrelace pas les mots de Véronique traduits en espagnol. L’humanisme est blessé, et désire se relever sans cesse. La langue poétique de Véronique décrit des scènes d’injustice, Nahel, Malik Oussékine… par des gros plans et des portraits, des travellings, des descriptions, des mots très vivants, entrechoqués ou lancés dans un mouvement hip-hop pour densifier la vie et la révolte en même temps, danse primitive pour réveiller en soi les ancêtres, les racines, le passé et partant la conscience.
La poésie du monde, comme rappel interroge avec virulence la splendeur tragique des clichés qui ignorent la vérité des êtres, leur histoire. Que fait-on de l’innocence des jeux des jeunes années ?
De la foudre, une déflagration sur une tête juvénile à la beauté des forces de la nature, que choisit-on ?
Ici, une langue aussi pour résister : « je redeviens l’autre » dit Véronique Kanor pour retrouver le sens de l’origine dans la chair, dans les mots répétés, « le corps lourd », le poids de la conscience en réponse à la fausse légèreté, à la futilité, à l’artifice. « Je n’ai pas la peau étanche », c’est une poésie militante et sans oxymore. L’humanisme…
Alors « déserter », « marronner » mais pour vouloir ETRE comme un pouvoir. Être libre grâce au pouvoir de la mémoire et de la protestation.
Anne Maurellet
LES RIVES EMBRASSEES
Les rives embrassées est un projet d’échange de poètes entre Lima et Bordeaux qui cherche à créer des pontes entre le Pérou et la France à travers la poésie. Ce projet est soutenu par la DRAC Nouvelle Aquitaine, l’Institut Français, la Mairie de Bordeaux et Bordeaux Métropole, l’Ambasade de France au Pérou et l’Alliance Française de Lima.
0 Comments