Des ombres lumineuses : -La femme- de Victoria Guerrero Peirano

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Par Anne Maurellet



Seule l’expérience nous permet de traverser les éléments (eau, air, terre…) : il nous faut éprouver pour saisir la vie. Victoria Guerrero Peirano ressent ainsi la chair de ses mots et de ses images, comme les vies douloureuses et pourtant remarquables de grandes poétesses du 20e siècle.  Anna Akhmatova, Emily Dickinson, Marina Tsvetaïeva, Jo Hopper et les autres, toutes femmes militantes à leur façon, se battant pour la libération d’un fils, l’étouffement d’un mariage, l’écrasement par un régime politique, la banalisation d’une société patriarcale. Crier plus fort encore que la poésie, si fragile cependant, et si nécessaire. Décrire encore et toujours pour raconter, traduire la puissance de l’action, seule vérité supportable, dans tous ses états. Quand même, l’acharnement poétique à composer ces hommages façonne de splendides portraits, sculptures, peut-on dire vivantes, aux traits acharnés.

Comme l’écriture, la vie vacille souvent, mais ce déséquilibre, cette finitude ne cesse de remettre l’ouvrage sur le métier, en fait. La femme criant est sa propre accoucheuse, les mots transforment l’être, et les images choisies par Victoria trahissent une intériorité peu commune. L’existence d’une poétesse, c’est extraire d’elle-même – de soi –  le jus intense, parfois sombre, sûrement original de la vie, poétique, donc non-conventionnelle avec le risque de paraître sorcière, démence. La poésie de Victoria Guerrero Peirano sauve le corps souffrant, malade, empêche l’absence, la disparition, engendre le cri subversif, le témoignage de vies arrachées… Sa poésie passe par tous les états de la versification, libérant les vers, réveillant les existences, et luttant par le Verbe pour faire émerger les revendications.

Le risque, c’est le vide, peut-être que les vies sont au bord d’un gouffre, la maladie à échéance fatale courte comme révélatrice du combat à mener malgré l’issue. Alors la parole prend sa force, unique solution. Liberté absolue face au siècle défaillant.

…nous ne demandons plus la parole
Nous la prenons
à force éraflures.
Telles des chattes folles.

C’est la seule façon d’affronter
ce siècle.

Victoria Guerrero Peirano

-La femme- éditions KLAC, mars 2023

Autrice : Victoria Guerrero Peirano

Traduit de l’espagnol (Pérou) par Patricia Houéfa Grange

132 pages format bilingue

Disponible sur commande sur la Boutique KLAC



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