Guillaume Moreau : Comédien tout terrain

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Interview avec Guillaume Moreau, comédien et metteur en scène qui anime les ateliers de théâtre pour jeunes avec autisme proposés par l’association La maison de Louis.

Propos recueillis par Léa Diaz

Bonjour Guillaume, vous êtes comédien, metteur en scène de métier et vous avez aussi beaucoup d’expérience avec plusieurs institutions, des écoles maternelles et collèges aux Ehpad et associations. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?

Bien sûr. J’ai commencé par des études en sciences politiques et j’ai obtenu mon diplôme de l’Institut d’études politiques de Toulouse. C’est là-bas que j’ai rencontré Haris Burina, un comédien ex-yougoslave en résidence en France avec le “Tattoo Théâtre” au Théâtre Garonne. Il dispensait des ateliers à l’IEP et ce fut ma première rencontre avec le théâtre, une révélation. J’ai alors décidé de réorienter mes études vers cet art.

J’ai débuté au “Théâtre de l’Acte” à Toulouse, dirigé par Michel Mathieu, fondateur du Théâtre Garonne. Ensuite, j’ai effectué un stage au “Théâtre du Soleil”, une expérience très marquante. Puis, je suis parti à Bruxelles à l’Institut national supérieur des arts du spectacle et de la diffusion, mais j’ai quitté cette école rapidement. Elle était trop sclérosée à mon goût. J’ai donc quitté cette école et je me suis retrouvé en Italie, auprès de César Brie, un metteur en scène argentin renommé. Cette expérience m’a permis d’apprendre « l’artisanat du théâtre ».

Après quelques années en Italie, je suis rentré à Paris et j’ai commencé à travailler avec des enfants. J’ai découvert une nouvelle dimension de mon métier. Les enfants apportent une pureté et une spontanéité essentielles au jeu théâtral. Mon intuition s’est confirmée : si on peut diriger le jeu des enfants, on peut diriger n’importe quel comédien.

J’ai alors rencontré sur mon parcours l’autisme. Lors d’un festival d’Avignon, j’ai été invité par un ami éclairagiste à participer à des ateliers avec des autistes Asperger. Cela fait maintenant 7-8 ans que je travaille avec ce public et j’apprécie énormément cette expérience. Mon parcours est donc marqué par des détours et des rebondissements, mais chacun de ces chemins m’a enrichi.

Comment avez-vous commencé votre collaboration avec La Maison de Louis ?

En arrivant à Bordeaux, je cherchais à m’installer et à me connecter avec des écoles et des associations travaillant dans le domaine de la neurodiversité. C’est ainsi que j’ai découvert le CRA, le Centre ressource autisme, qui recense les associations de la région. J’ai envoyé des candidatures spontanées et La Maison de Louis a été la première à répondre. Laurence et moi avons discuté, nous nous sommes rencontrés, et tout s’est mis en place naturellement.

Pouvez-vous nous décrire les séances de théâtre d’improvisation avec les jeunes de La Maison de Louis et comment elles ont été mises en place ?

Les ateliers que j’anime à La Maison de Louis sont similaires à ceux que je conduisais à Paris pour l’association Asperger Amitié. Ils ont lieu une fois par mois et visent à pratiquer le théâtre pour ses vertus : l’activation du jeu, l’imaginaire, la rencontre avec l’autre. Chaque séance dure 1h30 et se concentre sur des notions fondamentales du théâtre, telles que les personnages, les situations dramatiques, les conflits et les actions.

Ces séances sont difficiles à décrire précisément, car elles relèvent beaucoup de l’expérience vécue. Mais l’objectif est de donner aux participants des clés de dramaturgie, tout en explorant la vie à travers le prisme théâtral. Le cœur de la démarche est de s’amuser, de faire des choses nouvelles et parfois étranges, ce qui est en soi très ludique.

Briefing avant les séances de théâtre

Pourquoi avez-vous choisi l’improvisation pour ces ateliers ?

Pour moi, l’improvisation est indissociable de la pratique théâtrale. Elle est à la fois une discipline à part entière et une méthode de recherche lors de la création d’un spectacle. Quand je crée un spectacle, je pars toujours d’un thème et je fais improviser les participants. Leurs improvisations produisent des textes que je transcris et retravaille.

Avec La Maison de Louis, nous ne créons pas de spectacles, mais la démarche reste la même. L’improvisation consiste à jouer autour d’un thème, avec et pour un partenaire, tout en tenant compte de la présence d’un spectateur. Cet exercice développe l’empathie et la compréhension de l’autre, des compétences essentielles au théâtre.

Quels changements ou progrès avez-vous observés chez les jeunes participants après les ateliers de cette année ?

Je vous avoue ne pas trop m’attarder sur cela car je ne me considère pas comme un thérapeute. Mon objectif premier est que les participants s’amusent et apprennent dans le cadre de l’atelier. Si des progrès se manifestent en dehors de ce cadre, tant mieux, mais ce n’est pas mon but principal. Ce qui m’importe, c’est que les participants prennent plaisir à faire du théâtre et progressent dans cette pratique.

Pouvez-vous partager une expérience ou un moment particulièrement marquant lors d’un atelier ?

Oui, bien sûr, j’en ai énormément. 

Tout d’abord, pour cette édition 2023-2024, l’atelier compte trois participants : Quentin, Louis et William, chacun avec ses particularités. Ainsi, j’ai été particulièrement touché par un exercice de “statues”, où les participants devaient manipuler leur partenaire comme s’il était une statue. Ce type d’exercice, impliquant le toucher, est souvent difficile pour les personnes autistes, mais ici, cela a très bien fonctionné.

Un autre moment marquant a été la manière dont les jeunes montraient une solidarité et une patience admirables, dans certaines situations de jeu, ce qui peut se trouver être une qualité assez rare dans les groupes neurotypiques, où l’échec suscite souvent des moqueries plutôt que de l’entraide.

Une autre expérience mémorable fut un exercice sur une planète imaginaire, où le chef de cette planète devait accueillir les terriens avec un discours en “grommelot”, une langue inventée. William, qui aime beaucoup chanter, a interprété son discours en chantant à la tribune. Nous l’avons tous rejoint dans cette improvisation musicale, créant un moment de partage et de beauté inattendu.

Quelque chose à rajouter pour clôturer cette interview ?

J’aimerais vraiment que nous soyons plus nombreux. L’année prochaine, il serait formidable d’augmenter le nombre de participants. N’hésitez pas à nous rejoindre : “Plus on est de fous, plus on rit”, comme dit le proverbe !


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