Biennale Organo : Au cœur du corps
Par Emma Callegarin
Organo, manifestation artistique autour du corps et des arts visuels présente une 6e édition débordante et saturée sur le thème « Couleur augmentée ». La biennale se tiendra du 29 mai au 6 juin prochain aux Vivres de l’Art. Cet événement, véritable laboratoire de découvertes et d’expérimentations artistiques, présente une exposition et des performances où visiteurs, plasticiens, performeurs, vidéastes, photographes et universitaires peuvent se rencontrer et échanger dans une ambiance chaleureuse et conviviale. Rencontre avec Nathalie Canals, sa fondatrice !
« Organo, la biennale cyberpunk la plus innovante de notre monde de l’art à l’état gazeux » Bernard Lafargue, critique d’art
Pour commencer, est-ce que vous pourriez vous présenter, nous parler de votre parcours ?
Je suis la fondatrice et la Directrice artistique de la biennale Organo et de l’association Totoche Prod, structure organisatrice de l’événement. Pour ce qui est de mon parcours d’études, j’ai obtenu une maîtrise d’information et de communication au SICA (Science de l’Information, de la Communication et des Arts) à Bordeaux puis quelques années plus tard, en formation continue, j’ai suivi le DU « Conception de projets et médiation culturelle » ainsi que « Technologies du multimédia ». J’ai également suivi les cours d’art contemporain & de design graphique durant 4 années aux auditeurs libres des Beaux-Arts de Bordeaux. Pendant de nombreuses années, j’ai été chargée de communication dans le milieu socio-culturel et artistique (danse, théâtre, musique) et travaille depuis une dizaine d’année à l’éducation nationale.
En parallèle de mes activités professionnelles et suite à mon engagement militant à l’association Lesbian & gay Pride Bordeaux avec laquelle j’ai organisé 3 expositions autour du corps queer, mon goût pour l’art contemporain m’a amenée à fonder en 2005 l’association Totoche Prod afin de produire (créer, concevoir) des événements artistiques qui permettent de concrétiser toutes les idées et tous les projets qui bouillonnaient dans ma tête ! Depuis sa création en 2005, une trentaine d’événements (expositions d’art contemporain & performances) ont été organisés et plus d’une centaine d’artistes ont été présentés. Aujourd’hui, l’événement phare de l’association est la biennale ORGANO que j’ai créée en 2011.
Quel est votre rapport à l’art en général et plus précisément aux arts visuels tels que mobilisés pendant Organo ?
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été très attirée par les images. Pour la petite anecdote, j’ai très tôt réalisé des collages dans lesquels je transformais les corps en êtres hybrides, je leur changeais les yeux, leur échangeais la tête, leur mettais des corps d’animaux… Au fil du temps, mon attirance pour l’esthétique des corps transformés, mutants et des personnages excentriques m’ont amenée à découvrir le travail artistique d’ORLAN, de Matthew Barney et de Leigh Bowery. Cela a fait l’effet d’une révélation, d’une évidence ! Le sujet du corps dans l’art contemporain, notamment le corps hybride, augmenté, transformé ou encore numérique, est devenu « mon » sujet. Les thèmes des biennales y sont d’ailleurs directement connectés. Proposer des réflexions plastiques et esthétiques sur les corps contemporains et ses représentations dans les arts visuels actuels constitue la colonne vertébrale de la biennale. L’art est vivant, il doit bousculer notre perception et notre façon d’être au monde !
Organo est-il un évènement engagé ? Si oui, pourriez-vous nous parler des valeurs que met en avant la biennale ?
La biennale se définit comme un événement engagé. Je suis convaincue que l’art est un média essentiel, privilégié pour témoigner de notre perception au monde, de notre modernité et des interactions du corps à notre environnement. Par la singularité de ses thèmes et sa programmation, exigeante et audacieuse, Organo cherche à questionner notre société contemporaine à travers des propositions novatrices et alternatives.
La biennale est un événement qui se veut inclusif. L’atmosphère conviviale et la politique tarifaire permet un accès à tous ! Pour la prochaine édition, un intérêt particulier sera porté aux personnes en situation de handicap. Pour cela, nous travaillons en collaboration avec des associations spécialisées. Des visites et des ateliers d’arts visuels seront organisés avec des personnes cérébrolésées et un accueil de personnes malvoyantes sera également possible grâce à la réalisation de plaques connectées.
Nous sommes également engagés sur l’égalité homme-femme. Une attention très particulière est d’ailleurs portée sur la sélection des artistes afin que l’égalité entre les femmes et les hommes artistes soit respectée.
Monter un tel évènement doit demander beaucoup d’organisation, comment faites-vous ?
Le travail d’organisation de la biennale s’articule autour de 3 axes principaux :
En 1er lieu, la conception, qui est en quelque sorte l’idée et le choix du thème. Cette partie, solitaire, dans l’ombre, me stimule et me plaît beaucoup ; J’aime particulièrement chercher et repérer des artistes ainsi que réfléchir à des thématiques, et à des lignes esthétiques originales. Mon ordinateur est rempli d’artistes, d’idées, de références et d’images !
La 2e phase est le choix des œuvres et l’élaboration du projet artistique. Les œuvres les plus pertinentes ou les plus impertinentes ! en rapport avec le thème sont sélectionnées puis le projet prend forme.
Vient ensuite la 3e phase où tout s’accélère : le suivi et la réalisation du projet ! Une bonne coordination de l’ensemble des acteurs est essentielle. Car, pour exister, la biennale a besoin de beaucoup de personnes : l’équipe, les artistes, les performeurs, les techniciens, les partenaires, les bénévoles, etc. Et comme les moyens financiers ne sont pas importants, et qu’il y a beaucoup de choses à faire et à penser, l’énergie et l’engagement de tous sont primordiaux!
Vous travaillez avec des partenaires pour monter la Biennale ?
Depuis sa première édition, Organo se caractérise par une organisation qui maximise les ressources pour accueillir et soutenir les artistes dans les meilleures conditions. Elle est donc rendue possible grâce à l’engagement de nos partenaires. Ils font partie intégrante du projet et ont un rôle essentiel à notre réussite. Pour l’édition 2021, nous continuons de consolider les liens avec ceux de longue date.
Nous avons des partenaires très fidèles qui nous accompagnent depuis plusieurs années ! Les Vivres de l’Art nous accueillent depuis 2017; la recyclerie D’éco Solidaire nous fournit du mobilier de récupération pour la scénographie, Boesner nous fournit du matériel, le laboratoire de recherche MICA de l’université Michel de Montaigne à Bordeaux participe activement à nos conférences, le château Marzin organise des dégustations de vin, le salon de thé bio Chat noir Chat vert accueille nos réunions tout au long de l’année et assure la restauration de la biennale ou encore la librairie Mollat qui met à disposition sa vitrine du rayon Arts avec l’affiche d’Organo et une sélection de livres thématiques.
Nous mettons parfois aussi en place des partenariats ponctuels, comme par exemple, Arts promotion Centre Finlande qui nous permis d’accueillir l’artiste franco-finlandaise Christelle Mas pour Organo #5 ou encore l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts de Paris Cergy qui a permis à l’artiste parisien Adrien Blatzezyk de présenter des tirages de grande qualité pour la biennale Organo #4.
Cette année, nous travaillons avec l’association KLAC (Kaléidoscope Laboratoire Culturel) et nous nous associons à de nouveaux partenaires comme TCA association Tout Cérébrolésé Assistance, Kleidi de l’Université Bordeaux Montaigne qui, par un dispositif de plaques connectées, permet l’accès des œuvres aux personnes malvoyantes ou encore le Saki Noir avec qui nous organisons des workshops et des ateliers numériques « Le son des couleurs ».
Est-ce que vous pourriez me parler de l’équipe qui travaille sur le projet ?
La biennale Organo est donc organisée par l’association Totoche Prod, une petite équipe féminine, bénévole et très investie avec Marie-Elisabeth Siberchicot présidente, Aurélie Martinez, secrétaire, Ophélie Ahmad Adnet, trésorière puis Sophie Sourillan, scénographe et coordinatrice artistique, et moi-même.
La charge et la spécificité du travail devenant de plus en plus exigeantes et pointues au fil des éditions, Organo s’est dotée d’un régisseur professionnel, Marc Simon et d’un chargé de projets Carlos Olivera (Association KLAC).
Organo c’est aussi des bénévoles fidèles et indispensables, Estelle, Marie-Noëlle, Dominique, Inès, Alexandre, Audrey, Mathieu, Alexandre, Anne, Laure …
Qu’est-ce que vous cherchez à produire comme effet sur les visiteurs de cet évènement ? Une émotion ? Une réflexion autour du corps ?
L’idée d’Organo est vraiment de créer un espace convivial, créatif, dynamique et bourré d’énergie, un lieu de rencontres et d’échanges qui amènent les visiteurs à découvrir des œuvres inattendues, hors normes qui les interrogent sur l’art, le corps contemporain et sur la société d’aujourd’hui dans une ambiance chaleureuse voire festive !
Le corps est un objet artistique et politique, il est un moyen privilégié de véhiculer des messages, de questionner notre environnement ou de montrer qui nous sommes. Même si Organo s’oriente plutôt vers les thématiques des corps hybrides, transformés, augmentés et qu’elle relie souvent l’art à la science, il n’en reste pas moins que ces regards restent des sujets politiques, sociaux qui questionnent sans cesse notre rapport au monde et notre devenir.
Aujourd’hui, dans une époque du tout numérique, où les nouvelles technologies sont omniprésentes et où le corps semble mis à mal par la société, notre rapport au corps est vraiment en plein mutation.
« Couleur augmentée », que faut-il entendre par le thème de cette année ?
Depuis sa première édition en 2011, la biennale Organo a toujours réussi à créer des univers déjantés, hors normes et inattendus ! Chaque édition, pensée comme une création, met en scène une vingtaine d’artistes plasticiens et de performeurs renommés. Cette effervescence artistique autour d’une thématique singulière pour chaque édition, permet des moments et des découvertes artistiques intenses. La richesse des propositions laisse la part belle à la créativité et permet à Organo d’être un espace de réflexions plastiques et esthétiques autour de ces deux notions, corps et explorations artistiques innovantes.
La 6ème édition de la biennale Organo se propose de créer un événement ultra-coloré, où les artistes sont invités à s’interroger sur notre perception de la couleur et nos capacités à les transformer, à les amplifier. Nous connaissons l’humain augmenté, résultant de modifications corporelles visant à améliorer ses performances et à augmenter ses capacités. La réalité augmentée désigne une interface virtuelle, en 2D ou en 3D, qui vient enrichir la réalité en y superposant des informations complémentaires. Qu’en est-il de notre perception colorée ? Sommes-nous en capacité de l’amplifier ? Qu’expriment alors des couleurs augmentées dans les pratiques artistiques actuelles analogiques, numériques et connectées ?
L’édition s’annonce très colorée avec 20 artistes aux propositions très diversifiées ! Des œuvres numériques surprenantes comme celles de Laurent Crevon qui traduisent les processus binaires sous-jacents d’images et de films en informations visuelles, les immenses photographies de Laurent Chiffoleau qui nous donnent à voir un intérieur ultra colorisé de nos neurones, il y aura beaucoup de belles découvertes !
Pour le moment, nous avons décidé d’annuler les performances et de maintenir l’exposition. Mais il est possible que les Vivres de l’Art ne puisse pas ouvrir leurs portes ! Si c’est le cas, nous reporterons l’ensemble de l’événement en mai 2022.
Liens utiles :
Site de la biennale
Page Facebook d’Organo
1 Comment
Siberchicot · 9 March 2021 at 18 h 58 min
C’est une aventure humaine et ARTISTIQUE ambitieuse qui donne à vor des oeuvres créées spécialement pour ORGANO par des artistes confirmés ou non mais talentueux et originaux tant par les moyens mis en oeuvre que par le regard qu’ils portent sur notre monde contemporain. L’équipe c’est une dream team !