Les pompiers, frères de feu
Texte de Jade Voilquin / Photos de Lukas Isaac
L’exposition « Là où danse le diable » va vous embraser le cœur d’émotions fortes grâce aux photographies résumant la vie, la réalité des interventions et le dévouement des hommes et des femmes qui chaque jour décident de sauver la vie d’inconnus au péril de la leur. Ces hommes et femmes qui par passion décident de faire don de leur propre vie.
Lukas Isaac et Damien Rembert, photographes l’un péruvien et l’autre français, ont su tous deux documenter et transmettre un témoignage poignant du métier de pompier. Ce métier, qui peut être source de fantasmes ou bien d’injustices (ex: les violences contre les pompiers lors des dernières manifestations), regroupe pourtant des personnes qui mènent des vies ordinaires faites de joie et de peines, d’amitié et de solidarité mais aussi de fatigue, de larmes, de pertes de proches… Le duel qu’implique d’être « frère de feu ». Ces deux photographes ont mis en image le travail des pompiers qui est avant tout un engagement qui va au-delà du devoir.
Cette exposition, présentée pour la première fois en France, est un projet documentaire sur le métier de pompiers dans la ville de Lima du célèbre photographe de rock latino-américain Lukas Isaac (photographe des Rolling Stones lors de leur dernière tournée en Amérique du Sud).
Il s’est plongé sur le travail engagé des pompiers péruviens et les a accompagnés dans leur quotidien sur une période de plus quatre ans. L’objectif de Lukas montre des hommes et femmes qui subissent la précarité quotidiennement et qui avec peu de moyens et de ressources vont réussir à dompter « el diablo », jargon pour désigner le feu émanant d’un incendie.
Il est important de souligner que les pompiers péruviens sont complètement bénévoles. Au Pérou il n’y a pas de pompiers professionnels. Ceux-ci risquent leur vie de façon désintéressée dans une ville, Lima, de onze millions d’habitants et où se déclarent de nombreux incendies tous les ans.
Dans cette exposition, présentée en France par l’association KLAC, en plus des photos prises dans la ville de Lima, on pourra aussi observer quelques clichés d’incendies forestiers pris par Lukas Isaac à plus de 3500m de hauteur dans les montagnes de Cusco dans les Andes, qui fait partie de son nouveau projet entrepris après le confinement. Le combat des incendies forestiers peu documentés dans notre quotidien mais qui chaque année sont un danger pour la population humaine mais davantage encore pour les animaux (rappelons la catastrophe en Australie avec les koalas), fait aussi partie des actions du métier de pompiers.
Le photographe péruvien qui, au début, avait l’intention de documenter les actions des pompiers en quelques mois seulement, a également souhaité nous partager cette vision très humaine du travail de pompier. Avec ces hommes et femmes qui sourient, qui construisent des amitiés, ces gens qui parfois font face à des tragédies avec les décès de leurs partenaires qui sont aussi leurs amis. Au fil des semaines il s’est retrouvé au milieu d’une confrérie avec le sentiment de fraternité, la coexistence, le partage de joies et de peines comme une deuxième famille.
Et, Lukas nous dit « Avec les pompiers j’ai trouvé une sensation de fraternité, et j’ai pu comprendre les forces qui les motivent et aussi celles qui les découragent : le sentiment de donner sans rien espérer en retour, le complet anonymat des héros au moment d’assister et de préserver la vie des autres, l’injustice avec laquelle ils sont souvent traités, du manque d’empathie de la population à l’effort nécessaire pour atteindre le lieu du sinistre, les promesses non tenues par les autorités et donc la déception. Et finalement la tristesse de laisser leurs proches pour leur dévouement au service, les pénuries et les carences à faire face tous les jours, même en donnant leur vie si c’est nécessaire, et toujours travailler en silence pour un pays meilleur ».
« Le diable », c’est aussi l’expression employée par les sapeurs-pompiers français pour qualifier le feu. Les sapeurs-pompiers forment une communauté au-delà même des frontières. Ainsi à l’invitation de « KLAC », l’Union Départementale des Sapeurs-pompiers de la Gironde s’est associée à cette exposition en promouvant le travail de Damien Rembert, sapeur-pompier professionnel et photographe, qui jette un regard professionnel et artistique sur ce qui fait son quotidien : du grand feu à la détresse sociale, il capte des instants furtifs au cours d’intervention témoignant du dépassement de soi du sauveteur au soulagement de la victime.
En 2015 il est devenu photographe opérationnel au sein du service communication du Service Départemental d’Incendie et de Secours de la Gironde. L’univers complexe des interventions lui rappelle l’univers de ses débuts avec comme défi d’immortaliser les « actions » de ses collègues sapeurs-pompiers dans des conditions parfois difficiles telles que les incendies, les intempéries et les interventions dans des milieux périlleux…
Ainsi il saisit par l’image des instants de vie, de détresse, de soulagement et nous entraîne dans un quotidien fait d’instants parfois extraordinaires vécus par des gens ordinaires.
Grâce aux différents points de vue des deux photographes, s’ajoute un plus à cette exposition, qui regroupe un même métier, le même dévouement et la même passion de ses « frères de feu » dans deux situations complètement inégales qui ne bénéficient pas des mêmes budgets ni des mêmes équipements.
« Là où danse le diable », est une exposition organisée en partenariat avec l’Union Départementale de sapeurs-pompiers de Gironde, qui ont tout de suite soutenu et tenu à la réalisation de ce projet. La mairie de Bordeaux et le Crédit Mutuel du Sud-Ouest ont également voulu soutenir cette exposition car ils y ont vu un portrait humain et émouvant d’un métier souvent très peu valorisé, au Pérou, en France et partout ailleurs.
Finalement, il faut souligner que cette exposition aura un but philanthropique car les photographies présentées seront vendues et l’argent collecté sera reversé aux pompiers de la ville de Lima.
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